Le soleil se lève à peine lorsque Melhad amorce ses pas légers hors de sa demeure. Il ne tient pas à croiser d'autres Kantrös et encore moins ses alliés. La frustration qui grandit en lui depuis qu'il est plus ou moins parvenu à maîtriser les propriétés de Trevian -il n'ignore pas que de nombreuses heures de travail sont encore nécessaires pour qu'il puisse exploiter le plein potentiel de sa pierre, et il est particulièrement curieux au sujet des émotions qu'il pourra infiltrer chez les autres- est devenue insoutenable ces dernières aubes.
La satiété éprouvée n'est plus désormais qu'un lointain souvenir. Il désire ardemment découvrir d'autres pierres, d'autres identités. Il marche dans l'aube fraîche, frissonnant sous sa tunique. Il aurait dû plus se couvrir, pour la saison mais de ses jeunes années à Synantris lui restent ce goût d'élégantes tenues de velours.
Ses pensées se tournent brièvement vers ses parents, demeurés dans un chalet isolé des montagnes. Il ne les reverra sans doute pas avant un moment et sa mère s'inquiétera. Il doit penser à écrire un message afin qu'ils ne descendent pas inutilement dans la vallée des brumes. Ils ne lui manquent pas, son besoin d'indépendance et l'insensibilité de sa mère à ses charmes les ayant éloignés ces dernières années.
Il plonge sa main dans sa poche et ses doigts se referment sur les arêtes tranchantes de Trevian. Il effleure avec délectation ses côtés lisses.
Les limites de la ville apparaissent et il les franchit avec une excitation grandissante. Il ne part pas vers d'autres régions de Kantrös, à la recherche d'anciens dont il connaît à présent les légendes et de pierres blanches, mais vers les autres régions, afin d'entendre les histoires des autres peuples et d'acquérir de nouvelles pierres.
Ses rêves sont agités et remplis des souvenirs de Synantis depuis trop longtemps. Il se souvient d'une pierre bleue, plutôt plate. D'une noire qu'on lui avait défendu de toucher. Il doit en exister de nombreuses autres mais il refuse de retourner à Synantis pour le moment. Il contournera le monde et ira où ses pieds le porteront. Leworth lui a fourni une carte neuve qu’il a soigneusement étudiée puis pliée dans sa sacoche de cuir souple. Il prévoit de se diriger vers la forêt des Lykos, que les livres murmurent inatteignables. Il n’en a réellement cure, n’ayant aucune limite de temps devant lui. Il ignore s’il reviendra dans les montages des Kantrös.
Il marche et ses pas le portent alors qu’il savoure les vents emmêlant ses cheveux.
Libre.